une petite parenthèse pour elle.

Une fenêtre entrouverte, des rideaux bercés par la douce brise du soir, un soleil couchant et elle.

Elle dansait.

Elle ne se préoccuppait de rien. Ni de sa spectatrice émerveillée avachie sur le canapé, ni des passants qui risquaient de la voir attirés par la musique et le jeu des ombres qu’elle projettait sur le trottoir.

Seulement vêtue d’un soutien gorge et d’une jupe orientale aux couleurs vives, elle faisait miroiter les rayons du soleil sur les inombrables sequins qui pendaient le long de sa taille et de ses hanches.

Elle était belle.

Ses cheveux , chatains, tendant vers le roux, virevoltaient et caressaient ses épaules aux rythmes des tambours et de la voix de la chanteuse. La sensualité de ses hanches, la cambrure de ses reins qui se faisait et se défaisait, et ses mains qui semblaient vouloir attrapper les fins rayons de lumière qui l’entouraient la rendaient presque irréelle. Ses pas suivaient les battements de son coeur, son sourire était une invitation.

Il lui semblait étrange que cette fille qui dansait puisse être sa soeur. Il lui semblait étrange, qu’elle puisse par cette rencontre tardive, être devenue une grande soeur.

Mais, elle ne rêvait pas. Cette fille à la douce sensualité, à la vie diamétralement opposée à la sienne, possédait bien le même sang, la même origine.

 Dès leur première rencontre, elle avait ressenti un certain bien-être à se trouver à ses côtés, comme si tout revenait à sa place. Bien sûr, elles ne partageait pas les mêmes idées, les mêmes envies. Elles n’appelaient pas la même femme « maman », mais naturellement, elles se partageaient leurs secrets, leurs vies.

Elles s’étaient rencontrées au bon moment, au bon âge. A l’âge où l’on est simplement heureux de se voir, où l’on ne se bat plus pour des bribes d’affection ou juste pour le contrôle de la télécommande.   Elle voulait tout savoir de cette petite soeur, de ses expériences, de la vie qu’elle avait eu avec celle qui l’avait rejetée.

 Comme elle, elle avait la peau brune et le caractère des femmes du Sud. Comme elle, elle écrivait.

Mais elle, cette petite soeur, dansait.

 Elle dansait comme si rien n’existait autour d’elle. Elle ne faisait plus qu’un avec la musique, et les mots qu’elle couchait sur ses innombrables carnets, était violents, directs, bruts. Elle possédait cette honnêteté, ce naturel désarmant d’une fille qui n’a nul besoin d’artifices pour briller, d’une fille qui avait toujours été à l’aise avec ce qu’elle était.

 Elle la regardait.

Son visage.

Elles partageaient le même sourire.

Elle la regardait.

Cette petite soeur, son sang, et pour la première fois de sa vie, elle était fière de ressembler à quelqu’un.